"Les vêtements, à quoi ça sert ?"

Protéger
guerre du feu 1BLa fonction première des vêtements est d'ordre purement utilitaire : c'est la peau de bête de nos lointains ancêtres, qui les protégeait du froid, éventuellement des éraflures. C'est aussi, hé oui, l'armure des chevaliers du moyen-âge, le scaphandre du capitaine Haddock, la combinaison spatiale de Dirk Frimout, les tenues ignifugées des pompiers et les gilets pare-balles des policiers d'aujourd'hui...

Les uns comme les autres se débarassent bien évidemment de ces protections dès qu'elles sont inutiles, pour retrouver leur liberté de mouvement.
Ce côté strictement utilitaire a très longtemps été la seule raison de porter des vêtements. 

Déguiser et remodeler
La notion de "déguisement" s'est ensuite greffée sur cette fonction de base : l'homme a compris qu'en modifiant son aspect, grâce au vêtement (au sens large, incluant donc aussi les peintures sur la peau, les masques et d'autres accessoires), il pouvait se fondre dans son environnement lors de ses chasses, effrayer les tribus ennemies ou sembler plus dangereux aux yeux de ses prédateurs. 

corsetLe vêtement a donc servi et sert encore à transformer l'aspect du corps. Il peut tout aussi bien en masquer ou corriger les infirmités et les défauts que mettre en valeur certaines de ses parties (les soutiens-gorges "push-up" ou rembourrés sont des exemples actuels). Il peut aussi faire paraître plus grand (les semelles compensées, voire le hennin -coiffe conique en vogue au XIII° siècle-), plus mince (la gaine), plus cambrée (la tournure -ou faux-cul- de la fin du XIX° siècle ou les talons-aiguilles d'aujourd'hui), mieux "membré" (l'étui pénien de certaines peuplades ou la braguette rembourrée de la Renaissance), plus fine de taille et plus large de hanches (le vertugadin des XVI° et XVII° siècles), plus fin du pied (les escarpins pointus), etc. Le port d'un vêtement-déguisement est donc une façon de paraître différent que ce que l'on est.
Au-delà de cette transformation de l'aspect, le vêtement et ses accessoires ont aussi servi à transformer, à remodeler le corps lui-même : pieds des chinoises ou cou des femmes-girafes, tailles de guêpes corsetées de nos arrière-grands-mères en sont des exemples bien connus.
Le déguisement utilitaire est donc devenu, progressivement, un outil de séduction.

Différencier et réunir
kiltsOn le sait moins, mais, en tout cas sous nos latitudes, le vêtement a longtemps été unisexe et uniâge à l'intérieur d'une même communauté : homme ou femme, adulte ou enfant, tout le monde portait en gros la même chose. Ce n'est qu'à partir du XI°-XII° siècle que les vêtements ont commencé à se différencier.

Pourtant, très tôt dans l'histoire, le vêtement a été un signe distinctif très important : c'est grâce à lui qu'un Éburon identifiait de loin un Bellovaque et un Rème, que les Gaulois reconnaissaient leurs envahisseurs romains, que les Mac Gregor se différenciaient des Mac Allister (grâce à leurs kilts), que les armées se savaient alliées ou ennemies sur le champ de bataille de Waterloo. C'est aussi pour cela que les casques à pointe des Allemands se distinguaient des casques ronds des Français.
gille3D'une certaine façon, on est toujours ici dans le registre du déguisement. Et, à ce propos, on peut évoquer certains groupements folkloriques et écouter ce qu'ils disent de leur harnachement. Quand, par exemple, on interroge les Gilles de Binche, ils disent très souvent que le simple fait d'enfiler leur tenue les fait, réellement, devenir quelqu'un d'autre. Exactement comme s'ils entraient dans une autre peau, à la manière des acteurs. Par ailleurs, ils insistent sur le fait qu'une fois le costume revêtu, les différences sociales disparaissent : il n'y a plus ni banquier, ni ouvrier, ni prof d'univ' ni instit'. Il n'y a plus que des Gilles de Binche.
Et s'il est vrai -et frappant- que leur discours est, à ce niveau, identique au discours naturiste, il y a quand même une sacrée différence : dans leur cas, l'égalité se construit grâce à l'entrée dans un rôle commun, dans une autre peau commune ; dans notre cas, l'égalité se construit à travers l'abandon de tout artifice et le retour à la sincérité intégrale, à la vérité toute nue de notre seul corps et de notre seule personnalité.
Autrement dit, d
'un côté, à travers le besoin d'être identiques, on est dans l'abandon, dans la négation de la singularité et, de l'autre, on se trouve au plus proche de son identité propre et de sa revendication : "Me voilà tel que je suis".

En imposer
pstpie10.2Parallèlement, le vêtement est devenu un marqueur social : les pharaons, par exemple, étaient plus richement vêtus que les manants, de même que Charlemagne, Louis XIV et Nicolas Sarkozy. Les grands-prêtres assyriens, les évêques, archevêques, papes, popes et autres dignitaires religieux se distinguaient aussi de leurs ouailles par des tenues qui en imposaient. Le tablier de l'instituteur, la soutane du curé, le costume et le haut-de-forme du banquier avaient exactement la même fonction. De même que les gallons, plus ou moins nombreux, portés par les officiers de toutes les armées du monde.

Cacher
INFANTEBProgressivement, la dimension de "voile pudique" s'est ajoutée aux dimensions précédentes. Quelle que soit la température, quel que soit le rang, il y avait des parties du corps qu'il n'était plus bon de montrer. Ces notions-là (ce qu'on peut ou ne peut pas laisser voir, ni même entrevoir) ont été et sont encore extrêmement relatives et donc subjectives. Elles ont aussi varié à travers les époques (les premiers athlètes olympiques concourraient nus ; nos arrière-grand-mères ne pouvaient pas laisser voir leurs chevilles, et ne sortaient pas "en cheveux" ; dans les années '60-'70, la piscine de Salzinnes (Namur) arborait un panneau "Bikini interdit"), selon les cultures (ce qui peut être vu ou pas n'est pas pareil en Inde, en Afrique noire, en Arabie, en Suède ou en Belgique), selon les endroits (on peut être en bikini sur la plage, mais pas dans les rues et commerces de la ville attenante, par exemple) ou encore selon le niveau ou le type d'activité (il fut un temps, pas si lointain, dans nos contrées, où les femmes pouvaient faire du monokini pour autant qu'elle ne bougent pas ; sitôt debout, sitôt en marche vers la mer, elles devaient remettre le haut).
Tout cela est très codifié (sans forcément être inscrit dans une loi ou un règlement) et on devine bien sûr la main des religions derrière ces normes. Par ailleurs, comme dans beaucoup d'autres domaines, il y a aussi des effets de balancier : à une époque plus libre succède une période plus rigoriste avant qu'une autre ère de liberté revienne et ainsi de suite... (il suffit, pour s'en convaincre, de comparer les décolletés féminins dans les gravures de mode des XVII°, XVIII° et XIX° siècles ci-dessous).
C'est cet effet de balancier qui explique qu'aujourd'hui, plus de 50 ans après la libération des mœurs initiée à la fin des années '60, il ne soit pas rare de voir, par exemple, des gamines de 4 ou 5 ans, voire moins, affublées d'un haut de bikini à la plage, alors qu'objectivement elles n'ont pas plus à cacher que leurs frères. Outre le fait que, la plupart du temps, ce morceau d'étoffe ne reste pas en place et s'avère, pour elles, plus gênant qu'autre chose, ça en dit long sur l'enfermement mental de leurs parents et sur le conditionnement précoce qu'ils pratiquent à l'égard de leur fillette.
Et on en arrive parfois à des situations cocasses, sinon ridicules, pour peu qu'on y réfléchisse : certains vêtements ne servent qu'à en cacher un autre qui, lui, cache le corps ! C'est ainsi que, par exemple, les joueuses de tennis enfilent une culotte "que l'on peut voir" pour masquer un sous-vêtement qu'elles ne veulent pas montrer... Voire à des situations aux relents sexistes : il est de bon ton, pour les jeunes gens d'aujourd'hui, de laisser le haut de leur boxer dépasser largement du pantalon ; mais que les jeunes filles ne s'avisent pas de laisser entrevoir le haut de leur slip, ou pire encore de leur string (ce qui était plutôt tendance il y a quelques années, d'ailleurs) !

Paraître et... séduire
modes 17 18 19emes sièclesA cela s'est ajouté le facteur "mode" : au XVIII° siècle, dans la haute société en tout cas, on ne s'habillait plus comme au siècle précédent, et pas encore comme au suivant. Mais il s'agissait, à l'époque, de cycles plutôt longs, sans doute en partie liés aux progrès de la technique (de filature et de tissage, par exemple) ainsi qu'à la diffusion encore réduite des informations et des "tendances du moment" (même si les premiers articles de mode sont publiés dès le XVII° siècle, les premiers magazines dédiés datent de la deuxième moitié du XVIII° siécle).

De nos jours, les vêtements et les accessoires vestimentaires sont toujours porteurs de ces principaux aspects : ils doivent être protecteurs et fonctionnels.
Pour certains, ils doivent aussi être "fashion" (ou en tout cas correspondre à un certain style). Ils doivent aussi être adaptés à notre échelle (personnelle et/ou sociale) de pudeur.
De plus, ils doivent concilier deux souhaits apparemment opposés : singulariser celui ou celle qui le porte ("pas question de croiser quelqu'un qui porte la même chose que moi !") et, en même temps, être un signe de reconnaissance et d'intégration communautaires ("j'adhère au port de la burqa ou de la jupe courte, du costume trois-pièces ou du jeans-t-shirt").
Par ailleurs, pour certains, le côté "marqueur social" est un critère primordial dans le choix du contenu de leur dressing (ainsi que dans le choix de leur voiture, et de leur maison, et de leur montre, etc. Voire de leur conjoint...).
Et, bien entendu, le vêtement est aussi utilisé pour (se) plaire, voire pour séduire... 

Faire tourner le business
VITRINELe vêtement est aussi devenu, assez récemment, une variable économique. C'est ce qui explique les cycles de plus en plus courts de la mode : pour assurer la rentabilité des usines et de tout ce qui tourne autour du vêtement (ainsi que les bénéfices et... l'emploi qui en découlent), il faut que le contenu des garde-robes soit régulièrement renouvelé. Pas parce qu'il est usé, ou devenu trop petit ou trop grand, mais simplement parce qu'il a été acheté "la saison dernière", qu'il n'est donc plus, de facto, dans l'air du temps (dicté par la mode), qu'il est donc plus que temps d'en changer, faute de quoi il donnera immanquablement à son/sa propriétaire une image de personne "dépassée" si il/elle ose encore le porter. 
Pire : certaines tenues, dans certains milieux, ne sont portées qu'une seule fois ! Parce qu'elles perdent aussitôt leur côté "nouveauté" et donc leur intérêt.
(Le vêtement jetable pour tous, c'est le rêve ultime de l'industrie de l'habillement. Et, puisqu'on a déjà remplacé les mouchoirs de batiste par des mouchoirs en papier, elle y croit dur comme fer et y travaille d'arrache-pied !  Il y a quelques dizaines d'années, on a d'ailleurs vu des slips jetables en vente dans les grandes surfaces ; ça a sans doute été un flop puisqu'ils ont rapidement disparu des rayons).

Être une pub' en soi
Enfin, et c'est loin d'être négligeable, le vêtement est devenu, en soi, un objet publicitaire : s'il porte telle étiquette, s'il arbore tel logo, il est non seulement "trendy" mais en plus il transforme celui ou celle qui le porte en homme-sandwich (à la différence que les hommes-sandwich étaient payés pour ce job et qu'ici on paie pour le faire...).

Signaler
18671327 1388222954571971 404090594161641654 nA la lecture de ce titre, on pensera bien évidemment aux vêtements réfléchissants des cyclistes, motards, policiers et pompiers, et automobilistes en panne.
Mais au-delà de cette fonction signalétique utilitaire, il semble que pour certains le vêtement est aussi une sorte de feu tricolore : selon la longueur de la jupe qu'elle porte (ou la profondeur de son décolleté, ou la hauteur de ses talons), une femme sera perçue comme prude (feu rouge), sexy (feu orange) ou "en chaleur" (feu vert). Et c'est sans doute, plus ou moins consciemment, pareil pour certaines femmes qui regardent les hommes.
On préfère ne pas savoir quel adjectif qualifierait, selon celles et ceux-ci, un(e) naturiste...

On le voit, le rôle et les valeurs assignés au vêtement sont bien plus larges et bien plus complexes qu'à l'origine. Pour autant, sa fonction de base reste la même, quelles que soient les époques et les ciconstances : protéger le corps des agressions extérieures (température, ronces, cailloux au sol, etc... et éventuellement regards obliques).

 

Retour à la question de départ
600 446069423Le naturisme tend précisément à rendre au vêtement ce rôle initial : exit ses fonctions accessoires ! Les naturistes ne s'habillent plus que quand c'est réellement utile-nécessaire-indispensable. Pour autant, dans les moments et/ou les lieux où le port du vêtement est socialement imposé, ils ne revêtent ni peaux de bêtes, ni sacs de jute : comme tout le monde, ils portent alors des vêtements "normaux" et, la plupart du temps, seyants -au moins à leurs propres yeux-, assumant au passage leurs éventuelles contradictions ("Sus à la mode et aux prescrits sociaux-moraux-religieux, sauf si je dois m'habiller").

Ceci dit, et sans doute est-ce le plus important, au-delà du simple fait de laisser tomber le maillot, la nudité pratiquée en société ouvre la porte à bien d'autres aspects qui sont abordés ailleurs sur ce site : l'humilité, le respect, la tolérance, la relation vraie, l'attention à notre environnement, un souci plus grand accordé à une vie saine (et donc à une bonne santé), ... Et cette pratique ouvre également -et à double battants- la porte à des plaisirs insoupçonnés...

Enfin, comme expliqué dans une autre réponse abordée dans la FAQ, le naturisme est, en tout cas pour certains, une forme de thérapie, si pas de médecine. On parlait même, fin du XIX°-début du XX° siècle, d'héliothérapie (thérapie par le soleil).

"Le mot naturisme existe depuis la fin du XVIII° siècle : pour la première fois, en Belgique, le docteur Planchon l'utilise comme titre d'une communication où il prône une meilleure hygiène de vie par l'observation des "lois naturelles". Ainsi, dès son origine, le mot naturisme associe associe les idées de santé et de nature" 
(Francine Barthe-Deloizy, dans "Le naturisme : des cures atmosphérique au tourisme de masse")

"À l’époque, la tuberculose faisait des ravages et ce n’est que vers la fin des années 40 qu’on trouvera des remèdes médicamenteux. Avant, les malades qui en avaient les moyens faisaient des cures de grand air et de soleil dans les sanatoriums surtout dans les montagnes suisses comme à Davos. L’héliothérapie connut son heure de gloire. On découvrit que le soleil synthétise la provitamine D qui fixe le calcium dans les os. Donc il faut du soleil aussi contre le rachitisme et l’ostéoporose."

Après la lecture de ce long article, vous avez bien mérité une petite pause (un entracte, comme on disait avant) qui illustre très bien, en vidéo, une partie de ce qui vient d'être écrit :

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 L'histoire du maillot masculin est ici.

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